Evènement : Infodemics, vaccination and anthropological theories – International workshop
Date : 1er juillet 2024, de 10h00 à 18h00
Lieu : Amphithéâtre Jaurès, 29 rue d’Ulm (entrée par la loge 24 rue Lhomond), Ecole Normale Supérieure, Paris
En février 2020, alors que la pandémie de COVID-19 débutait, le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a prévenu que l’incertitude entourant cette nouvelle maladie entraînerait une « infodémie », c’est-à-dire la propagation de fausses nouvelles sur les médias sociaux. Ces infodémies peuvent prendre de nombreuses formes, en mots et en images, allant de la reprise des propos d’un voisin sur les métaux lourds contenus dans les vaccins à la diffusion d’un texte pseudo-scientifique, où des informations médicales erronées sur le COVID-19 sont attribuées à une sorte de voix autorisée, souvent à côté de conseils prescrits issus de pratiques médicales populaires traditionnelles. Très souvent, les « infodémies » ont été accusées d’être à l’origine des niveaux élevés d’hésitation vaccinale et de méfiance médicale. Le récit standard du progrès suggère qu’à mesure qu’une meilleure compréhension est rendue possible par les découvertes de la communauté scientifique, et que de meilleures technologies produisent de nouveaux traitements de manière accélérée, les gens devraient s’y fier et les utiliser pour leur bien. Cette idée positiviste ne peut manifestement plus être assumée au XXIe siècle, car nous constatons que les gens réagissent de manière ambiguë aux nouvelles données scientifiques et ne croient pas ou ne tiennent pas compte des recommandations médicales.
Les anthropologues sociaux, les psychologues et les folkloristes ont étudié comment et pourquoi les gens pouvaient accepter, agir et partager des récits d’infodémies et de craintes liées aux vaccins, et comment ils percevaient les risques pour eux-mêmes et leurs familles. Ils ont cessé d’étudier les récits infodémiques uniquement comme une maladie sociale grave pour les considérer comme des régulateurs sociaux dont les communautés peuvent avoir besoin pour atténuer l’incertitude face à l’avenir. Par exemple, des études de terrain en anthropologie montrent qu’une perte de contrôle sur sa vie déclenche souvent l’émergence de légendes sur des vaccins mortels, de théories de conspiration sur des armes biologiques provenant de laboratoires et de craintes face aux nouvelles technologies, modifiant ainsi la perception des risques chez ceux qui racontent ces histoires. Lorsque ces récits gagnent en popularité, ils forgent un langage interprétatif grâce auquel certains groupes sociaux, se sentant faibles et démunis, défendent leur identité et leur pouvoir face aux autorités. Nous avons besoin de théories anthropologiques pour comprendre l’infodémocratie, non seulement dans le sens où les données sur les rumeurs et les légendes ont besoin d’une théorie pour être comprises, mais aussi dans le sens où elles s’appuient sur des théories de ce que signifie être humain.
Le 1er juillet 2024, des anthropologues sociaux, des sociologues et des psychologues se réuniront à l’Ecole Normale Supérieure pour discuter de la manière dont les théories anthropologiques expliquent l’inévitabilité des infodémies dans les pays européens et s’il est possible d’y mettre fin.
Programme :
10h00 : Alexandra Arkhipova (EHESS, ENS, France) & Frédéric Keck (CNRS, France). Introduction
Panel I. Infodémique et théorie de la communication
Présidence : Ian Brodie (Université du Cap Breton, Canada)
10h15 : Charles Briggs (UC Berkeley, USA). « Infodemics » comme « misinformation » : sur la production de sujets et de récits incommunicables.
11h00 : Julien Bonhomme (EHESS, France). Retour au chaos : information et désinformation en temps de pandémie
11h45 – pause café
12h00 : Kenzo Nera (FRS-FNRS, Belgique). Théories du complot, identités de groupe et gestion des menaces intergroupes : Une perspective psychosociale
12h45 – déjeuner
Panel II. Vaccination et théorie de la conspiration
Présidence : Guillaume Lachenal (Medialab Sciences Po)
14h00 : Alexandra Arkhipova (EHESS, ENS, France). Infodémique vs. vaccination : Décortiquer le scénario russe
14h45 : Mia-Marie Hammarlin (Université de Lund, Suède). Les lieux de la conspiration : Objets et atmosphères lors d’une réunion sur la théorie de la conspiration à Göteborg
15h30 – Pause café
15h45 : Jeremy Ward (Inserm, France). Qui cherche de l’information sur les médias sociaux en ligne ? Une approche bourdieusienne de la mésinformation et de la désinformation en matière de santé
16h30 : Gaetan Thomas (SciencePo, France). La vaccination : Vers une histoire matérielle
17h15 – discussion finale