Conférence : Le défi de l’explosion des travaux sur les vaccins durant l’épidémie de COVID-19 : un rapport pour favoriser la cumulativité et le dialogue interdisciplinaire – Congrès Association Française de Science Politique
Session thématique sur Les revues de la littérature en science politique : innovations méthodologiques et logicielles, enjeux professionnels et épistémologiques
Date : 2-4 juillet 2024
Lieu : Grenoble
Responsables scientifiques : Vincent Caby (Sciences Po Grenoble) vincent.caby@iepg.fr
Deborah Galimberti (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye) deborah.galimberti@sciencespo-saintgermainenlaye.fr
Présentation scientifique :
Selon les manuels dédiés aux méthodes de la science politique, la revue de la littérature constitue un « point de passage obligé » de toute recherche (Muller [2018] 1990) (voir aussi : Surel 2015 ; Coman et al. 2022). Réaliser une revue consiste à identifier, analyser et synthétiser les publications scientifiques existantes sur leur objet, et à déterminer ce qui est connu, inconnu et débattu vis-à-vis de cet objet (Knopf, 2006). Cet exercice permet aux politistes de vérifier la nouveauté et l’originalité de leur recherche, mettre à distance leurs prénotions et faire science. Cependant, ces manuels disent peu de choses sur les manières de faire une revue de la littérature. On n’y trouve pas trace des différentes approches méthodologiques, ni de la réflexion autour des revues systématiques dans la science politique anglophone (Arksey & O’ Malley 2007 ; Gough et al. 2013). Ils sont silencieux sur les logiciels et outils qui peuvent aider les politistes dans leur travail.
Ailleurs qu’en France, la science politique a développé un intérêt fort pour les revues de la littérature. D’abord, les journaux centraux de la discipline publient un nombre croissant d’articles consistant en des états de l’art. Ces articles suivent des méthodes de revue variées qui intègrent la méta-analyse des recherches quantitatives (Godefroidt 2023) mais aussi de plus en plus qualitatives, à l’instar de méta-ethnographies (Boswell & Smedley 2022). Cette variété est alimentée par l’interdisciplinarité et l’innovation logicielle. Certaines revues consistent en l’importation de protocoles d’autres disciplines (tels que PRISMA, voir : Sabbe et al. 2020). D’autres reposent sur l’application de méthodes quantitatives aux données de bases bibliographiques telles que SCOPUS (l’analyse lexicométrique de résumés – voir : Caby & Frehen 2021). Certains expérimentent des programmes tels que SCITE.AI s’appuyant sur l’IA et indiquant pour un article donné, quels autres articles confirment ou réfutent ses conclusions.
Cet intérêt se traduit aussi par une réflexion autour des contributions des revues systématiques. Ces revues systématiques ont la particularité de suivre une méthode préétablie, explicite et justifiée (Gough et al. 2012). Une revue est systématique dès lors que son auteur décrit comment il a recherché, identifié, analysé et synthétisé les publications scientifiques existantes sur son objet, et pourquoi. Ces revues systématiques recensent un grand volume de publications, grâce aux bases bibliographiques en ligne. Pour leurs tenants, il s’agit d’appliquer aux revues les mêmes standards que ceux qui prévalent pour les enquêtes empiriques : la démonstration d’un effort de transparence et de minimisation des biais (Dacombe 2018).
Il reste cependant à vérifier que ces méthodes de revues tiennent leurs promesses. Leur plus-value doit être testée empiriquement. A quelles conditions permettent-elles de réduire des biais tels que l’approche théorique préférée des auteurs de revues, ou la langue de publication ? A quels autres biais s’exposent-elles ? On pense à ceux inhérents aux bases et indicateurs bibliométriques.? Les revues systématiques sont souvent associées à une approche positiviste peu attentive à la construction et circulation des concepts. Cependant, ces revues peuvent servir une perspective critique postcoloniale et féministe d’analyse des inégalités épistémiques (Fricker, 2007) dans la fabrique du savoir scientifique (Bacevic, 2021).
C’est l’objectif inédit de cette ST méthodologique que de penser la revue de la littérature comme une méthode à part entière. Une réflexion sur les différentes méthodes de revue, les approches épistémologiques, les outils et logiciels, leurs biais, pourrait réunir tous les politistes – compte-tenu qu’il y a consensus sur le fait que toute recherche en science politique doit s’accompagner d’un état de l’art. C’est à la condition de cette réflexion que les revues de la littérature pourront constituer un outil au service du développement de la discipline, en synthétisant les résultats de nombreuses enquêtes, en évaluant leur qualité, en identifiant des gaps et biais et donc des agendas de recherche.
Les propositions d’article pourront présenter et illustrer une méthode de revue, ou un outil facilitant tout ou partie de cet exercice, dans une perspective réflexive. Ils devront présenter : son contexte d’usage, la posture épistémologique, ses finalités (explorer un objet émergent, trancher une question mature, analyser la structure d’un champ – la circulation transnationale d’un concept, l’évolution d’une question dans le temps, les rapports inégaux entre aires géographiques), ses contraintes (durée, maîtrise technique) et ses bénéfices (en termes de minimisation des biais). Sont bienvenues les propositions comparant les avantages et inconvénients de deux méthodes ou outils.
Références :
Arksey H., O’ Malley L. (2005) Scoping studies: towards a methodological framework, Int. Journal of Social Research Methodology, 8(1), 19-32.
Bacevic, J. (2021). Epistemic injustice and epistemic positioning: towards an intersectional political economy. Current Sociology, 71(6), 1122-1140.
Boswell, J., & Smedley, S. (2022). The potential of meta-ethnography in the study of public administration: a worked example on social security encounters in advanced liberal democracies. Journal of Public Administration Research and Theory, 33(4), 593–605.
Caby, V., & Frehen, L. (2021). How to produce and measure throughput legitimacy? Lessons from a systematic literature review. Politics and Governance, 9(1), 226-236.
Coman, R. et al. (2022). Méthodes de la science politique : De la question de départ à l’analyse des données. LLN : De Boeck Supérieur.
Dacombe, R. (2018). Systematic reviews in political science: what can the approach contribute to political research?. Political Studies Review, 16(2), 148-157.
Déloye, Y., & Mayer, N. (2019). Les trois défis de la science politique française : Retour sur la période 1968-2018. Idées économiques et sociales, (1), 28-39.
Fricker, M. (2007). Epistemic injustice: power and the ethics of knowing. Oxford: OUP
Godefroidt, A. (2023). How terrorism does (and does not) affect citizens’ political attitudes: a meta‐analysis. American Journal of Political Science, 67(1), 22-38.
Gough, D. et al. (2013). An introduction to systematic reviews. London: Sage
Goyal, N., & Howlett, M. (2018). Lessons learned and not learned: Bibliometric analysis of policy learning. In: C. Dunlop, C. Radaelli, & P. Trein (Eds.), Learning in public policy (27-49). Cham: Palgrave Macmillan.
Greffet, F. (2023). A view from France. French Politics, 21, 139-146.
Hong, Q. (2023) Les revues de littérature systématiques mixtes. LIEPP.
Knopf, J. W. (2006). Doing a literature review. PS: Political Science & Politics, 39(1), 127-132.
Mour, C. (2022). La pratique des revues de littérature exploratoires interdisciplinaires au LIEPP. LIEPP
Muller, P. (2018). Les politiques publiques. Paris : PUF
Sabbe, M., Moyson, S., & Schiffino, N. (2021). Citizen‐agency versus state‐agency at the frontline in prisons and probation services: A systematic literature review. Social Policy & Administration, 55(1), 206-225.
Smith, A. (2020). A glass half full: the growing strength of French political science. European Political Science, 19, 253-271.
Surel, Y. (2015). La science politique et ses méthodes. Paris : Armand Colin
Programme :
Présidence & discussion :
François Bonnet (CNRS), Vincent Caby (Sciences Po Grenoble), Deborah Galimberti (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye)
Chloé Bérut (Ca’ Foscari University), Coder des articles ? Le cas d’une revue de littérature systématique sur les politiques européennes du digital
François Bonnet (CNRS), Vincent Caby (Sciences Po Grenoble), Deborah Galimberti (Sciences Po Saint Germain en Laye) , Les revues de la littérature en science politique : innovations méthodologiques et logicielles, enjeux professionnels et épistémologiques
Nihit Goyal (Delft University of Technology), Innovative enough? A bibliometric review and computational text analysis of research on policy innovation
Stéphane Moyson (UCLouvain), Mathias Sabbe (ULiège), Inès Lequeux (ULiège), Anthony Ricotta (UCLouvain), Nathalie Schiffino (UCLouvain), Leçons de cinq applications de l’approche PRISMA : forces, challenges et mise en perspective
Jeremy K. Ward (INSERM, CERMES3), Le défi de l’explosion des travaux sur les vaccins durant l’épidémie de COVID-19 : un rapport pour favoriser la cumulativité et le dialogue interdisciplinaire
Participant.es :
BERUT Chloé chloe.berut@unive.it, BONNET François francois.bonnet@umrpacte.fr, CABY Vincent vincent.caby@iepg.fr ,GALIMBERTI Deborah deborah.galimberti@sciencespo-saintgermainenlaye.fr, GOYAL Nihit Nihit.Goyal@tudelft.nl, LEQUEUX Inès ines.lequeux@uliege.be , MOYSON Stéphane stephane.moyson@uclouvain.be, RICOTTA Anthony anthony.ricotta@uclouvain.be, SABBE Mathias mathias.sabbe@uliege.be, SCHIFFINO Nathalie nathalie.schiffino@uclouvain.be, WARD Jeremy